VOYAGE AU SEIN DU GENRE HUMAIN
Penché sur la rivière et fasciné par l'eau
Où flottait une feuille, comme un petit bateau,
Séduit, il embarqua, entamant un voyage
Dans un inattendu merveilleux paysage.
Il glissait sur une eau pure tranquille et calme
Entre deux rideaux verts qui lui offraient leurs palmes
Et entre les deux berges qui déroulaient encore
Leurs longs tapis ornés de fleurs multicolores.
Quelquefois, sur la berge, furtif, apparaissait
Un animal sauvage, le regardant passer,
Mais dérivant plus loin, encore un peu plus tard,
Un couple d'humains nus s'offrit à son regard.
Plus loin, plus tard encore il vit d'autres humains
Qui n'étaient pas tout nus et tenaient dans leurs mains
L'un qui était dans l'eau, une lance de pêche,
Un autre sur la terre bandant l'arc et la flèche.
Il était parvenu à l'époque où les hommes
Ont pris dans le Vivant une importance énorme :
En inventant l'outil ils se sont séparés
Du milieu naturel pour mieux s'en emparer.
Lui n'était plus d'ailleurs sur un esquif porté
Par un courant sans but ; maintenant il était
Non plus sur une feuille : sur une embarcation,
Dictant au vent le cap de sa destination.
Plus tard une lueur qui l'avait attiré
L'amena à l'endroit où un feu de forêt
Dévastait flore et faune. Ce triste cimetière
Etait l’œuvre des hommes qui cultivaient la terre.
Non loin de la fournaise, au delà d'un village,
S'étendaient des cultures, un morne paysage.
Poursuivant son voyage et ses explorations,
Il vit grandir des villes, des agglomérations.
Il vit les hommes faire bien d'autres inventions :
Pour être plus puissant, la domestication
Du bœuf et du cheval et d'autres animaux,
Là-bas de l'éléphant, de l'âne et du chameau.
Il arriva enfin à l'endroit où les hommes,
Utilisant le feu comme bête de somme,
Tirant de la chaleur l'énergie mécanique
Accédèrent du coup à un pouvoir magique.
Il vit les apprentis sorciers fouiller la terre,
Qui gardait depuis des milliers de millénaires
Les trésors d'énergie qui lui étaient confiés
Il les vit les extraire, mais pour les gaspiller.
Il atteignit enfin la Grande Transition :
L'énergie devint verte, mais la consommation
Des biens de la Nature par les populations
Ne cessa jamais d'être en forte augmentation.
Le milieu naturel fut bien trop exploité
Pour qu'il parvienne à se refaire une santé,
Et lui finit enfin ses pérégrinations
Au seuil de la sixième et dernière extinction.
Claude ANTON, 20 mai 2022