La mort n'est que celle de la conscience d'exister.
LA VAGUE SCELERATE
Le bleu profond barré de blanc
Luisait sous un vent accablant.
L'onde au bord enflait davantage
Pour battre et marteler la plage.
Assis et à l'abri du vent,
Il est resté longtemps devant
Le tableau, qui le fascinait,
De ces éléments déchaînés.
Séduit, il marche vers le bord
Et pénètre dans le décor.
Une vague pour l'accueillir
Est à ses pieds venue mourir.
Confiant maintenant il progresse,
Les vagues brisées le caressent,
Mais quand l'eau arrive à sa taille,
Les vagues lui livrent bataille.
Plongeant, léger comme une plume,
Il se faufile sous l'écume
Comme le fin toréador
Bernant le taureau le plus fort.
De plus en plus loin de la plage,
Il gagne peu à peu le large.
L'onde ne brisant plus il nage,
Mais contre les vagues avec rage.
Contre les vagues il se débat ;
Et poursuit longtemps son combat.
Mais cette lutte est monotone ;
Il s'en lasse et il abandonne.
Maintenant de nouveau il nage,
Mais cette fois vers le rivage.
Les vagues ne sont plus hostiles
Et leur bercement est utile.
Elles sont maintenant plus douces,
Elles le bercent, elles le poussent,
Elles cultivent son espoir
Et elles l'empêchent de voir...
Il n'a pas vu l'étrange forme,
Le monstre aqueux, la vague énorme,
Qui dans son dos le rattrapait
Pour s'en saisir et le happer.
Des tonnes d'eau l'ont emporté
Au fond où désorienté,
Bien trop longtemps il est resté
Sans parvenir à remonter.
Incapable de réflexion,
Et son instinct guidant l'action,
Il a inspiré l'eau salée,
Sa conscience s'en est allée.
Une conscience est effacée
Par la vague qui est passée.
Lui maintenant est l'algue au fond,
Les coquillages et les poissons.
Claude ANTON, 6 novembre 2022