LA COLERE DES AGRICULTEURS ET DES ELEVEURS
Régulièrement, périodiquement, des éleveurs et des agriculteurs manifestent car leurs revenus, surtout si nous les comparons à leur temps de travail journalier, hebdomadaire et mensuel, sont ridicules.
Notre mode de vie et de fonctionnement nous a conduis à leur imposer des modes d'élevages et de cultures mono productions et extensives. Nous avons copié les Etats-Unis pour être, soit disant, toujours plus compétitifs. Et donc nos éleveurs et producteurs ont dû investir dans du matériel et des machines énormes à prix très élevés. Mais pour que ces investissements soient rentables il a fallu faire disparaître de petits élevages, de petites exploitations. Et les normes excessives d'hygiène ont, elles aussi, exigé du matériel « adéquat », toujours plus performant et cher, pour faire comme aux Etats-Unis, prévenir tous les risques etc. Prévention excessive qui fragilise nos santés par ailleurs.
Avec ces mono élevages et mono productions intensifs le jour où un problème quelconque apparaît une grande partie ou toute la production est impactée et c'est alors la catastrophe pour l'exploitant !
Pour en rajouter un peu aux charges et aux complications nous avons développé les grandes surfaces qui s'adressent à de grandes industries...Et voilà que pour être rentables elles imposent leurs normes. Et lorsque quelques personnes osent dire que ce système de fonctionnement est une honte la réponse est qu'il permet à tout un chacun de venir faire les courses qu'il veut à moindre coût, à peu près quand il veut et qu'il permet de créer des emplois.
Cependant dans ce mode de fonctionnement nous occultons différents points.
Premièrement la qualité de nombreux produits vendus.
Deuxièmement le salaire, souvent très bas, que perçoivent les personnels qui fabriquent, préparent, etc. pour que nous ayons des produits toujours le moins cher possible.
Troisièmement l'impact écologique des moyens de fabrications et élevages (traitements divers, cultures hors sol, forages divers et variés...), des temps et moyens de transports...
Quatrièmement les moyens et temps de déplacements pour se rendre dans ces grandes surfaces qui sont toujours dans les périphéries des villes en « zone d'activités commerciales » ; Ce que nous croyons économiser sur les achats nous l'engloutissons dans les temps et frais de déplacements !!!
Et l'analyse peut encore aller plus loin.
Mais qui est responsable ?
Nous, individuellement et collectivement, puisque nous en demandons toujours plus et continuons toujours plus à rentrer dans ce système.
Hasardez-vous à dire que vous donnez la priorité aux petits commerçants locaux, à acheter proximité, qualité (production locale conventionnelle ou biologique), produits de saison, que vous préparez vos repas vous-mêmes... les réponses ne tardent pas : « ça se voit que tu as les moyens » (même si en face les personnes ne connaissent pas vos moyens), « ça se voit que tu as le temps » (même si en face les personnes ne savent pas de quel temps vous disposez et bien souvent n'ont pas fait le calcul du temps passé pour se rendre et tourner dans les grandes surfaces pour faire les courses, ni à calculer le temps passé pour cuisiner tel ou tel plat plutôt que le commander -il coûte plus cher- ou à le faire décongeler). Nous posons-nous la question de la richesse qu'il y a à réaliser des plats et autres menus travaux avec ses enfants, plutôt que de les avoir avec soi dans la voiture et les grands magasins pour faire les courses, ou de se soucier de comment les faire garder pendant que nous faisons les courses ? Réalisons-nous la richesse de la relation humaine qu'il y a à aller se servir auprès des commerçants de quartiers ou locaux (commerçants qui sont tout à fait capables de nous faire crédit parce que nous avons oublié notre porte-monnaie ou qu'il nous manque un peu d'argent, ou qui veulent bien attendre que le salaire ou telle ou telle somme d'argent nous ait été versé (chose que ne peut pas faire la caissière ou le caissier de la grande surface même si elle ou il nous connaissent très bien) ?
Mais qui est responsable ?
Nous, individuellement et collectivement, puisque nous en demandons toujours plus et continuons toujours plus à rentrer dans ce système.
Aujourd'hui les éleveurs et agriculteurs font grève. Leurs situations est certes peu enviables.
Mais comme pour toutes les manifestations de quelques corps professionnels qu'il s'agisse, peut-on cautionner la destruction de bâtiments, de matériel, de nourriture (aussi contestable que soit la qualité et l'origine de celle-ci) ? Comment oser dire ensuite qu'il ne faut pas être condamné pour ces actes ? Comment peut-on, au nom d'une juste cause, déverser des litres de lait ou autres aliments alors que tant de personnes sont dans le besoin ? Pourquoi aller pourrir des bâtiments, des rues etc. ce qui va coûter ensuite une fortune au contribuable pour nettoyer, réparer ?
J'ose aller plus loin dans la réflexion. Les mêmes personnes qui réclament aux grandes industries, aux grandes surfaces de mieux les rémunérer ne les trouve-t-on pas dans ces mêmes grandes surfaces pour acheter le moins cher possible des produits qui ne relèvent pas de leurs productions ???
Je ne défendrai et ne soutiendrai pas la destruction du bien public et le gaspillage de nourriture et matériel même au nom de revendications que je peux soutenir.
Je ne défendrai et ne soutiendrai pas les personnes qui s'autorisent, même sous le coup de la colère et du désespoir, la destruction du bien public et le gaspillage de nourriture et matériel même au nom de revendications que je peux soutenir.
Mais qui est responsable ?
Nous, individuellement et collectivement, puisque nous en demandons toujours plus et continuons toujours plus à rentrer dans ce système.
Beaucoup d'entre nous accusent l'Europe.
Mais l'Europe est représentée par des Politiques de chaque pays qui siègent, débattent et prennent des décisions.
Ces Politiques sont celles et ceux que nous élisons.
Qui est responsable ?
Nous, individuellement et collectivement, puisque nous en demandons toujours plus et continuons toujours plus à rentrer dans ce système.
Nous sommes chacun(e) responsable individuellement et collectivement.
Le 04 février 2016
Marie-Jeanne